Au pays des trulli, abris ronds en pierre sèche, construits dès la préhistoire, une lamia, ancien hangar à outils des ouvriers dans les oliveraies, est devenue lieu de vie et de création par la grâce du Studio CA-SA.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Fiona Walker Arnott et Clemente Vergara
Changer de vie, changer d’environnement, tout chambouler. Un rêve, un fantasme que peu de personnes réalisent. L’amour, dit-on, donne des ailes, du courage. Sara et Luca illustrent parfaitement cet adage. Lorsqu’ils se rencontrent à Milan, Sara exerce et adore son métier de styliste de mode, où elle excelle. Luca, lui, travaille dans un prestigieux cabinet d’architecture. Mais leurs convictions, leurs désirs de contribuer à la réhabilitation du patrimoine rural d’abord, et au développement culturel de la région des Pouilles, l’emporte sur leur carrière, leur train-train. Depuis quelques années, cette région dont le nom trahit la pauvreté et le dépouillement, aimante nombre d’Italiens et d’étrangers, séduits tout à la fois par son authenticité, ses palazzi, la plupart du temps ruinés, ses villes magnifiques comme Lecce, Nardò, son littoral vierge de constructions hétéroclites et sa campagne aux fermes et bâtiments en pierre sèche aussi rationnels que beaux. Reste à veiller à sa préservation et à la préservation de son architecture. Convaincus qu’il y a urgence à offrir leurs services à celles et ceux pressés d’investir et de retaper des demeures, Sara suit des cours de décoration d’intérieur pour ouvrir avec Luca un cabinet, mais aussi acheter un bien qui leur ressemble et le retaper. « Notre décision de quitter le nord pour le sud, nous nous sommes mis en quête d’un endroit tranquille pour vivre, travailler, nous concentrer sur nos projets, exprimer notre créativité. C’est ainsi qu’en empruntant des chemins de traverse nous avons découvert une ancienne lamia, où les ouvriers qui entretenaient les oliveraies stockaient leur matériel et leurs outils, voire se reposaient. C’était une construction en pierres sèches chaulées, qui tenait encore debout. Un bâtiment traditionnel, dans son jus. En gros, quatre murs, de belles poutres pour soutenir le toit, basta… Sa nudité, ses dimensions, ont nourri notre imagination. Tout était permis ou presque. »
Pas question pour le jeune couple de reproduire une maison néorurale. Leur idée forte : exploiter le volume vierge propre à un décor minimaliste, contemporain, rompre avec le cliché traditionnel de la maison rurale tout en utilisant des techniques de construction ancestrales, des matériaux locaux tels que les briques en tuf, et bien sûr la pierre sèche collectée alentour.
Sara et Luca conservent d’abord, religieusement, le chemin bordé de pins maritimes et de cyprès, qui débouche sur la cour intérieure logeant la petite et la grande lamias. Luca dessine, en s’appuyant sur la lamia principale, un volume rectangulaire de 30 mètres sur 6, légèrement incurvé. Il lui ajoute des vérandas, des patios, sas de transition entre partie privée et studio qui ombrent aussi les pièces l’été, autorisant à percer de grandes fenêtres encadrant le paysage.
À l’intérieur, Sara joue sa partition de décoratrice. Elle personnalise les pièces avec ses couleurs, ses souvenirs rapportés de voyages, tels un joli tapis mauritanien et des objets artisanaux qu’elle et Luca adorent. « Je souhaitais, confie-t-elle, que notre maison dégage une atmosphère sereine, tranquille, incarnant l’essence même du slow life. »
Certes, tels des urbains, ils succombent et creusent une piscine, toute simple, sans deck, qu’ils entourent d’un mur en tuf blanc. Quasi indispensable l’été quand le thermomètre perd la tête.
Désormais, le couple partage son temps entre la Casanguilla et un appartement dans la petite ville proche pour ne pas vivre en ermites. On les sollicite de plus en plus, comme ce couple connu venu en voisin prendre un verre à Casanguilla qui, séduit par la maison leur a demandé de restaurer la leur acquise depuis peu. Sara et Luca savent qu’ils sont en train de gagner leur pari : « vivre autrement » tout en participant à la mise en valeur d’une région, devenue leur et qu’ils aiment. Bon plan, Sara et Luca lorsqu’ils ne l’habitent pas, aiment la louer.
La Casanguilla est disponible à la location sur le site weeks-off.com/fr.












Sara Carlesi et Luca Abbadati, propriétaires, concepteurs de la Casanguilla

Sara et Luca ont créé ensemble à Brescia, le studio CA-SA spécialisé dans l’architecture durable. Ils ont, dans les Pouilles, imaginé de A à Z leur maison Casanguilla dans une ancienne lamia, un bâtiment agricole. Et se sont installés ici pour participer à la protection du patrimoine architectural et au développement culturel. Leur conseil majeur : ne copier ni les magazines ni les réseaux sociaux, définir ce qu’on aime, son univers. Qu’importe si votre couleur préférée, vos matières de prédilection ne sont pas à la mode.
Article paru dans le numéro 181 de RD – Résidences Décoration.




