Cristina Celestino « L’artisanat doit se connecter aux besoins de la vie quotidienne » 

Collectionneuse et férue d’artisanat, l’architecte milanaise s’est imposée ces dix dernières années comme l’une des références du design italien avec son style glamour et sophistiqué. Son signe distinctif : une addiction pour les matériaux précieux, twistés par des couleurs pastel.

Par Céline de Almeida / Photo de couverture Sara Magni

Alors que vous multipliez depuis quelques années les collaborations, comment expliquez-vous votre succès ?
Je pense que je suis arrivée à un moment où il y avait un besoin de nouvelles voix… De mon côté, je m’efforce d’être toujours fidèle à moi-même, en dehors des tendances et des modes, et de continuer à approfondir mes connaissances et mon savoir-faire. Je ne cesse d’apprendre des générations précédentes, tout en m’inspirant de ce que le monde d’aujourd’hui produit, naturellement et artificiellement.

Vous sentez-vous appartenir à une école italienne ?
Je pense que dans les années 1960 et 1970, il était logique de parler d’un style italien, car c’était une période de mécénat de la part des industriels, ouverts à toutes les expérimentations, et de démocratisation du design, deux éléments qui ont apporté au monde des techniques et une esthétique reconnaissables. Aujourd’hui, il me semble que tout est plus fragmenté et plus libre ; le monde est connecté et cela n’a plus de sens, de mon point de vue, de parler d’un style italien spécifique.

L’architecte italienne signe également de nombreux projets de rénovation, comme cet appartement des années 1930 situé à Rome. 

Néanmoins, est-ce que cet héritage vous inspire ?  
Il est impossible de rester indifférent aux enseignements des grands maîtres. Il y a quelque chose à tirer de chacun d’entre eux, que ce soit au niveau formel ou conceptuel. Je revisite fréquemment Carlo Scarpa et Gae Aulenti, en relisant leurs écrits. Finalement, toutes ces influences infusent en moi et refont surface sous forme de subtiles réinterprétations.

Vous collectionnez depuis longtemps des pièces de design italien. Quelles sont vos favorites et pourquoi ?
Sans hésitation, le canapé « Wave » de Giovanni Offredi pour Saporiti ainsi, d’ailleurs, que beaucoup de ses créations des années 1970 qui sont toujours aussi contemporaines, même cinquante ans plus tard…

La maison parisienne a confié à Cristina Celestino le design de sa première collection de bougies rechargeables. « Nymphée Merveilles », 220 €, Diptyque.

Vous travaillez également en tant que directrice artistique pour plusieurs marques italiennes… Est-ce important pour vous de perpétuer les traditions et l’artisanat de votre pays ?
Le travail de direction artistique que je réalise avec mon studio pour certaines marques, comme, depuis 2016, le spécialiste des revêtements de sol Fornace Brioni, cherche en effet toujours à connecter quelque chose de très ancien avec le monde contemporain. Il s’agit de relier le savoir-faire artisanal aux besoins de la vie quotidienne d’aujourd’hui. Ce travail, qui consiste en interprétation, réinterprétation, créativité, intuition et diffusion, est une entreprise très riche sur les plans éthique et intellectuel. De même, dans mon travail avec Fendi, je m’efforce de créer ces liens, même les moins évidents, avec ce qui nous a précédés, à travers la récupération des aspects formels et des techniques ancestrales.

Ces carreaux de terre cuite, façonnés à la main, dessinent des surfaces uniques. « Cretto », prix sur demande, Fornace Brioni. © Teo Zanin

Le Salon du meuble de Milan approche à grands pas. Quels sont vos projets pour cette semaine phare du design mondial ?
Cette année, nous avons créé de nouveaux revêtements de murs et de sols en terre cuite pour Fornace Brioni, qui seront présentés dans le cadre de l’exposition « Grounded ». Nous dévoilerons également le fauteuil « Plumeau », décliné du lit du même nom, pour Gervasoni. Ce siège évoque une imagerie nomade, embrassant les thèmes du mouvement et de la légèreté. Pour Fendi Casa, ce sera le fauteuil « Ottavia ». Enfin, j’ai imaginé la poignée de porte « Matrice » pour Manital, dont le dessin s’inspire de signes et reliques organiques gravés au fil du temps.


Présentée lors de la dernière édition du Salon du meuble, cette chaise s’inspire du paysage romain. « Ottavia », prix sur demande, Fendi Casa. © Fendi Casa

Pour vous, quels seront les événements incontournables ?
Je ne manquerai certainement pas l’exposition proposée par Alcova, qui se tiendra cette année à Varedo, dans la lointaine banlieue milanaise. L’occasion de visiter la villa Bagatti Valsecchi, ainsi que la villa Borsani, où la plateforme Alcova montrera les créateurs qu’elle sait dénicher chaque année.

Y a-t-il des jeunes talents italiens que vous nous recommanderiez de suivre ?
Je suggère toujours de faire un tour au Salone Satellite pour découvrir de nouveaux noms.

Pour conclure, pouvez-vous m’en dire plus sur vos projets à moyen terme ?
Avec le studio, nous travaillons à plein régime sur plusieurs beaux projets d’hôtellerie en Méditerranée ainsi que des résidences privées dans le nord de l’Italie qui verront le jour dans les mois qui viennent.

Vos 6 dates marquantes

1980 : Ma naissance à Porderone, dans le nord de l’Italie.

2005 : L’obtention – avec mention ! – de mon master en architecture
à l’Université de Venise (IUAV).

2011 : À seulement 31 ans, le lancement de ma marque de design, Attico. 

2013 : Deux ans plus tard, la création de mon studio.

2016 : À l’occasion de Design Miami, la présentation de la collection The Happy Room pour Fendi.

2022 : Ma nomination comme designer de l’année lors du salon Maison & Objet.

Articles paru dans le numéro 175 de Résidences Décoration.

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