Largement ouverte, cette maison contemporaine en Balagne se fond avec la nature pour ne pas heurter la magnificence du décor alentour. un écrin qui invite à la contemplation.
Texte et stylisme Claire le Bouar / Photos Stephen Clément
Cachée dans le maquis, au milieu des oliviers séculaires et des chênes-lièges, se dissimule la demeure contemporaine de Marie et François. Ici, pas un bruit en dehors du chant des oiseaux, du vent dans les feuillages et du souffle de quelques sangliers curieux. Une parenthèse enchantée où l’on vit avec le spectacle quotidien mais sans cesse renouvelé du coucher du soleil sur les montagnes corses. Ce bijou secret rappelle un peu les anciennes bergeries destinées à l’élevage, avec leurs murs en pierres sèches surmontés d’un toit plat… le luxe en plus.
C’est dans cet esprit que les propriétaires des lieux ont fait appel à l’architecte Philippe Charbonneau, dont l’art consiste à réaliser des habitations qui s’adaptent aux éléments. Il les contourne et les intègre à la construction plutôt que d’en faire table rase. Pari réussi : après 20 mois de travaux, la propriété de 235 m2 sur deux niveaux voit le jour et se fond dans une splendide nature indomptée. Elle est composée d’un assemblage de trois volumes : le premier en pierre, le second en bois et le dernier en fer. Des matériaux bruts en accord avec le site. Leur particularité : ils font fi des frontières et se prolongent à l’intérieur.
« La pierre pénètre dans le salon, le bois et le fer aussi », explique Philippe Charbonneau, qui fait sien le concept indoor/outdoor. D’immenses baies vitrées à galandage s’étendent du sol au plafond et offrent une vue unique. « Dès qu’il fait beau, on ouvre tout, explique Marie. Le lieu est tellement magique qu’il se suffit à lui-même, avec la majesté des montagnes et la vue sur la plage de l’Ostriconi pour décor. » On entre par le second niveau. La porte d’entrée à pivot en acier rouillé ouvre sur un grand séjour.
Pas de cloison dans l’espace de vie principal, l’immense pièce qui se prolonge vers une piscine miroir à quatre débordements qui donne l’illusion d’un fondu entre le sol et l’eau. Cette dernière affleure les planches en bois de la terrasse. À la fois chaleureux et bruts, les panneaux de la façade, de la porte d’entrée et du bloc cheminée intérieur sont en plaques d’acier rouillé. Une partie des murs est recouverte d’un parement en pierres sèches de 25 cm d’épaisseur assurant une excellente isolation.
Le mobilier, sobre et authentique, laisse lui aussi la part belle aux matériaux bruts comme l’ardoise, le métal ou le bois. Il se fait rare, pour préserver toute la force du paysage. Seules quelques pièces iconiques et design ont été choisies : « La Chaise » de Charles et Ray Eames, la chaise longue de Le Corbusier, un canapé dessiné par l’artiste américano-japonais Isamu Noguchi et une table en chêne de 4 mètres de long encastrée dans le mur. Ce système de « porte-à-faux », très utilisé dans l’architecture de Philippe Charbonneau, consiste en une dalle ou un plancher sans support. La piscine, qui ne touche pas le sol, obéit à ce même principe.
« Notre parti pris est de miser sur les meubles les plus discrets possible, sans pour autant sacrifier au confort moderne », explique Marie. Cette sobriété est renforcée par le plafond en béton brut imprimé avec un coffrage en planches. Toute la partie technique est cachée derrière le tableau en acier rouillé qui sert aussi de support à la télévision. Un immense miroir, qui court du sol au plafond, agrandit la cuisine mitoyenne de la pièce à vivre. Le plan de travail se pare d’une ardoise du Brésil. Un large escalier hélicoïdal en acier ouvragé mène au premier niveau, où sont situées les chambres des enfants.
Dans le prolongement du séjour, le parquet en ipé, une essence imputrescible, guide vers la chambre du couple. La suite parentale joue la sobriété élégante des couleurs et des matières avec une tête de lit en béton brut.
Celle-ci fait office de séparation avec le dressing et la salle de bains d’inspiration japonaise, ouverte sur le maquis.
Sur le toit végétalisé, des plantes régionales ont trouvé leur place. Au-delà de son aspect esthétique, ce dernier offre de bonnes performances thermiques en été comme en hiver. Et bien sûr, tout autour, le jardin forme un écrin de verdure et de senteurs. Chênes-lièges, arbousiers, pieds de lavande ont été conservés ou replantés. La bâtisse se blottit dans une colline couverte de maquis. « Nous n’avons sélectionné que des essences endémiques. Pendant huit mois, il a fallu organiser la végétation composée d’espèces locales, comme l’immortelle ou le ciste, pour que celles-ci reprennent leur forme initiale sur et autour
de la propriété, et s’insèrent ainsi dans l’environnement », poursuit la maîtresse des lieux.
Discrète, perdue dans un paysage avec lequel Philippe Charbonneau a composé, cette maison semble être là depuis toujours. Face à la beauté brute des montagnes corses, sans ostentation, elle invite ses habitants à la paix intérieure.
Article paru dans le numéro 163 de Résidences Décoration.