Sophie Sibé s’est associée à l’agence Atelier Cambium pour imaginer cet appartement situé sous les toits d’un immeuble Bordelais. Ses volumes se sont métamorphosés en un grand écrin lumineux où mobilier et œuvres d’artistes entrent en résonance pour un accord saisissant de subtilité.
Texte : Marie-Maud Levron / Photos © Cécile Perrinet-Lhermitte
Le soleil illumine à flots les volumes de cet appartement troué d’ouvertures, auquel on accède par un bel escalier privatif depuis le dernier étage de l’immeuble. Une fois là, impossible de rester insensible à l’univers de Sophie Sibé, qui dirige une boutique de vêtements et d’accessoires de luxe à Bordeaux. Rentrer chez elle, dans ce vaste appartement de 240 m2, qu’elle a entièrement redessiné, c’est s’imprégner immédiatement de son écriture précise et singulière. Cette amoureuse des volumes et des perspectives aime voir les choses en grand. Elle a donc commencé par redistribuer toutes les pièces.

Dès l’entrée, on s’émerveille d’élégants panneautages en noyer. Ce sont les véritables fils conducteurs de cet intérieur métamorphosé avec brio. Le parquet en chêne clair file et conduit vers une grande pièce de vie sublimée par une charpente cathédrale. Partout, des teintes minérales côtoient le brun chatoyant des meubles réalisés sur mesure. C’est un lieu de vie rafraîchissant, apaisant et chic… L’exact contraire des pièces de jadis, vieillottes et ténébreuses. « Ce lieu de vie aux volumes atypiques, loin de l’esprit classique et du cachet des appartements de style haussmannien des étages inférieurs, manquait cruellement d’âme mais il avait un potentiel énorme », sourit Sophie Sibé. Cette femme au goût très sûr s’est associée aux architectes bordelais de l’Atelier Cambium. Ils ont été capables de lui apporter sur un plateau une véritable expertise concernant les parties techniques qu’il était nécessaire de prendre en main afin de donner corps à son projet de transformation magistrale.

Leur travail commun s’est focalisé sur la mutation d’un espace comble qui servait de rangements en une terrasse centrale grande ouverte sur le ciel. L’ensemble des pièces a été décloisonné pour créer notamment un espace d’entrée aux volumes traversants et, côté rue, une pièce de vie totalement ouverte comprenant une cuisine élégante travaillée avec du noyer américain, une salle à manger au décor chicissime et un salon agrémenté d’une cheminée aux lignes sobres.

La bonne idée ? Décider de créer dans cet espace de réception deux nouvelles fenêtres identiques à celles d’origine, situées côté salle à manger. Élégantes, avec leur arc en ogive, elles sont typiques de l’architecture bordelaise de ce quartier bourgeois.

Pour que la lumière artificielle magnifie plus encore les volumes à la nuit tombée, cette perfectionniste a choisi des modèles d’éclairages sur variateur mis au point par les spécialistes des luminaires Guzzini, encastrés dans les plafonds, « De formidables pages blanches, trop souvent inexploitées », commente-t-elle.

Grande amatrice d’art et de mobiliers du XXe siècle, Sophie a souhaité mettre en scène son lieu de vie en créant des dialogues harmonieux entre pièces d’artistes contemporains et mobilier du XXe siècle français. De véritables pépites, qu’elle chine essentiellement à Paris, dans les grands salons d’antiquaires, dans les galeries du Marais ou au marché aux puces de Paul-Bert. Dans son salon, rien ne dépare, même lorsqu’elle ose des rapprochements audacieux. À l’image de cette paire de fauteuils des années 1950 signés Pierre Jeanneret, qui côtoie une suspension de perles de l’artiste plasticien Jean-Michel Othoniel. Un confortable canapé et des fauteuils « Ours polaire » de Jean Royère permettent de profiter à la fois de l’âtre, de la belle hauteur sous charpente, ou encore de la vue sur la salle à manger.

Dans la partie nuit, de l’autre côté de l’appartement, les pièces s’enchaînent, distribuées par un couloir habillé de portes de placards. Derrière ces façades, quantité de rangements et un grand dressing, passion pour la mode oblige.

«Je me suis ouvertement inspirée des détails et de l’ambiance des grands hôtels parisiens où j’ai l’occasion de séjourner, mais aussi de l’univers des architectes d’intérieur Joseph Dirand et Pierre Yovanovitch dont je suis une grande admiratrice », concède-t-elle.

Son amour pour les belles matières, les textures sensuelles, qu’elle associe dans des contrastes subtils, imprègne tous ces espaces. Le marbre vient sublimer la salle de bains, le noyer américain les portes de placard, le laine, la tête de lit sur mesure.

« J’ai une approche assez tactile de la décoration, j’aime mélanger les matières. Pour chacune d’entre elles, j’ai besoin que l’on sente le savoir-faire de l’artisan », dit-elle. Pari réussi, on le sent, tout comme on perçoit d’emblée sa remarquable vision d’esthète.
Article paru dans le numéro 161 de Résidences Décoration.