Aline Asmar d’Amman « Le lien entre le passé et les futurs possibles me fascine »

Née au Liban, amoureuse de Paris, fascinée par les pierres et les mots, Aline Asmar d’Amman, fondatrice de l’agence Culture in Architecture, raconte des histoires dans tous ses projets.

Propos recueillis par Anne-Marie Cattelain-Le Dû

© Jérémy ZAESSINGER

Votre signature archi?
Mon travail est marqué par une conscience aiguë de l’héritage et de la réalité d’un contexte à amplifier, théâtraliser. Cela passe par la narration en équilibre entre mots et matière. La mémoire des lieux et leur transformation pour accueillir nos exigences de vie contemporaine sont des sujets qui motivent tout dessin et toute mise en œuvre. Un tissage délicat de savoir-faire, de précision et d’écriture, brouillant les frontières du temps et des styles pour invoquer le plaisir et la découverte émotionnelle.

Dans sa première collection de mobilier, les fauteuils « Gent », « mi-carrosserie de bolide lustré, mi-abstraction nocturne », affirment leur masculinité avec leur coque d’aluminium virile peinte en sfumato de lueurs métalliques.
© STÉPHAN JULLIARD

Vos projets en cours?
La direction artistique, l’architecture intérieure des espaces publics du Beau-Rivage Palace à Lausanne et du Palazzo Donà Giovannelli, futur hôtel Orient-Express à Venise – pour lequel je m’occupe également de la curation d’art –, la création d’un lieu événementiel au Lagardère Paris Racing, mais aussi des projets résidentiels à Paris, Riyad, Londres et au Bahreïn. Je viens enfin de lancer ma première ligne de mobilier avec The Invisible Collection, et la suite de ma collection « La Mémoire des Pierres », conçue à partir de chutes de marbre et éditée avec le Laboratorio Morseletto, troisième génération de femmes marbrières en Vénétie, dans le nord de l’Italie.

Votre plus beau projet?
Tous, ainsi que leurs partenaires, font partie de ma vie, comme une famille qui ne cesse de croître. L’Hôtel de Crillon, Le Jules Verne, la ligne de sculptures fonctionnelles « Architectures » réalisée avec Karl Lagerfeld, ma collection de mobilier et les projets résidentiels sur lesquels j’interviens sont empreints des trois piliers définissant mon travail : culture, architecture et émotion.

Pour repenser le Jules Verne, restaurant étoilé de la tour Eiffel, l’architecte a puisé dans les archives du plus symbolique des monuments parisiens, s’emparant de son histoire et des codes Art déco. © STÉPHAN JULLIARD

Une réalisation un peu folle?
Peut-être que l’image d’une bibliothèque infinie sur les rives de Byblos, au Liban, un temple de la lecture et du savoir, nimbé de lumière-mer, ressemblerait à l’idée de mon fantasme créatif intime le plus fou, d’une Méditerranée qui remet le rêve au cœur de ce pays.

La plus belle architecture?
Les vestiges du temple de Baalbek, au Liban. Ces ruines gréco-romaines colossales, sur une ancienne ville phénicienne, invoquent le mythe de l’architecture éternelle et font croire au merveilleux. J’en garde un souvenir amplifié par le regard de l’enfance où chaque trêve dans mon pays longtemps déchiré revêtait une sensation de miracle, à l’image des colonnes du temple de Jupiter (IIIe siècle) et du mystère qui les entoure.

À Venise, pour la Biennale 2022, Aline Asmar d’Amman a conçu la scénographie du pavillon libanais sur le thème « Le monde à l’image de l’homme » autour des œuvres de la cinéaste Danielle Arbid et du plasticien Ayman Baalbaki. © Jean-pierre Vaillancourt

Un objet fétiche?
Celui qui me fascine en ce moment, c’est un manuscrit déniché en Suisse illustrant avec des symboles et des anecdotes les armes des familles patriciennes helvètes. Je lui ai dédié une console de la collection « La Mémoire des Pierres », avec un pupitre aux angles acérés et aux pierres brutalistes griffées et taillées à vif.

© Jean-pierre Vaillancourt

Article paru dans le numéro 167 de Résidences Décoration.

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