Ouvrir l’espace, inviter le soleil à entrer pour transformer un spectaculaire mais triste et sombre appartement parisien des années 1940 en lieu de partage pour un père et ses deux adolescents : Mission réussie par la décoratrice Vanessa Faivre.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Frenchie Cristogatin
Difficile de revoir de fond en comble un appartement précédemment réaménagé par une agence, et dont le propriétaire, un célibataire quadragénaire père de deux adolescents, s’est aperçu à la fin des travaux qu’il n’y trouvait pas ses marques. Un sacré challenge, qui n’a pas ébranlé outre mesure Vanessa Faivre. Ayant mesuré le potentiel du lieu, la décoratrice s’est emparée du projet et a commencé très vite à « carburer ».
Situés rive gauche, à Paris, non loin du pont de l’Alma, et plus exactement rue Cognacq-Jay, les lieux se trouvent dans un immeuble typique des années 1940. Ils jouissent d’un espace exceptionnel, hélas mal géré, et laissant peu de place à la lumière naturelle. Le bien méritait effectivement d’être repensé, et le client tranquilisé. « J’avais en face de moi un propriétaire à la fois très inquiet et très exigeant, mais ouvert, tout en sachant parfaitement ce qu’il voulait et ne voulait pas. Pour le rassurer et surtout répondre à ses attentes, je n’ai jamais hésité à revoir ma copie », raconte la décoratrice. Lorsqu’il sanctionne ses croquis ou ses plans, par cette phrase sans appel : « je ne suis pas convaincu, je ne le sens pas », elle reprend tout à zéro, ou presque. Elle retravaille, affine ses propositions, revoit les espaces et les ambiances, jusqu’à ce qu’un large sourire illumine le visage du propriétaire échaudé et qu’il lui dise : « c’est bon, allons-y ». « Mis en confiance, rasséréné, ses envies en phase avec mes idées, il m’a alors laissé beaucoup de liberté. Et, tout au long du chantier que j’ai supervisé de bout en bout avec un entrepreneur, il m’a soutenue et encouragée. Aujourd’hui, je suis heureuse de savoir qu’il s’est approprié l’appartement et qu’il s’y sent chez lui, bien, à l’aise avec ses deux enfants », poursuit-elle.
Vanessa Faivre a eu huit mois seulement pour restructurer, décorer, animer et transformer totalement l’espace. Huit mois pour répartir de façon intelligente les pièces entre le double séjour, le salon télé, la cuisine, l’espace parental et les trois autres chambres. Et enfin pour changer l’allure de cet intérieur banal avec son parquet en lames droites qui défrisait le propriétaire, sa cheminée en pierre qui nuisait à l’esthétique du salon, sans parler de sa cuisine perdue, sombre et non fonctionnelle, à l’extrémité d’un long corridor et d’un vestibule baignant dans une obscurité qui n’invitait pas à passer le seuil.
Première réflexion, primordiale : éclairer l’entrée, justement, en abattant la cloison sur laquelle donnait la porte afin de bénéficier de la lumière du jour diffusée par la fenêtre juste en face. « C’est important une entrée, car c’est elle qui donne le la, le ton, l’atmosphère. Je m’y suis attardée longuement, en choisissant avec soin les suspensions, en dessinant des claustras sur des placards symétriques, réalisés sur mesure », affirme la décoratrice. Ainsi, cet espace sans âme est devenu très accueillant, avec un zeste d’originalité reflétant bien l’esprit général. Deuxième réflexion, mettre en phase cet appartement d’un classicisme ennuyeux avec le style années 1940 de l’immeuble. Vanessa Faivre a choisi de lui apporter une touche de glamour contemporain en changeant les fenêtres, en encadrant de noir les portes, et en posant un beau parquet en point de Hongrie. Troisième réflexion, enfin : apporter du peps, personnaliser, rendre chics et élégantes les pièces avec quelques meubles design forts. Elle sélectionne avec soin une table en marbre « Saarinen » de Knoll pour la salle à manger, et un canapé sobre, blanc, de Le Corbusier flirtant avec deux fauteuils « Pacha » bleus de chez Gubi pour le salon. De son côté, le client et une des amies de la décoratrice, à la tête de Studio Björg, chinent aux puces de Saint-Ouen des éléments intéressants, comme le bout de canapé en travertin ou la table basse ronde signée Verner Panton. « C’est une idée que je souffle souvent : aller aux puces, souvent, tôt le matin, pour dégoter des pépites, car c’est un peu comme un vaste concept-store mixant toutes les époques, tous les genres », confie-t-elle.
Une fois les « parties communes » bien définies, Vanessa Faivre s’est penchée sur la suite parentale et son grand dressing, la chambre d’amis et les deux chambres des adolescents. Au programme, couleurs tendres, reposantes, douces, papiers peints panoramiques, et à chaque chambre sa salle de bains ou sa salle d’eau pour préserver l’intimité des uns et des autres. « À chaque étape, il faut se projeter à la place des futurs occupants, s’interroger sur leur mode et leurs rythmes de vie, pour réussir sa mission de décorateur d’intérieur. Et ici, je peux, sans fanfaronner, dire que je l’ai réussie », se réjouit Vanessa Faivre.
Vanessa Faivre, A&D, Paris
Après 10 ans à l’étranger, dont 4 dans l’agence Tempo Interiors, à Sydney, en 2007, à la naissance de son premier fils, Vanessa se lance et crée sa société A&D, A, pour Aménagement, D pour Décoration. Un atelier de filles, d’amies, avec à ses côtés Marika, Julia, Hava, Domitille. Plus de 200 projets aboutis et de nombreux en cours, en majorité résidentiels, d’une villa à Neuilly à un appartement aux poutres apparentes dans le 6e arrondissement de Paris. Son style ? Vanessa le définit comme chaleureux, mixant les couleurs terreuses, feutrées, aux motifs ethniques, privilégiant le chêne, les zelliges, les luminaires années 1950, le rotin. Son atout ? Une véritable écoute de ses clients.
Article paru dans le numéro 173 de Résidences Décoration.