A Bruxelles, un écrin apaisant de 650 m2 !

Et si l’anthracite était le nouveau noir ? Intemporel, il l’est incontestablement. Mais dans ce quartier huppé de la capitale belge, il joue également une autre carte, celle d’apporter profondeur et texture aux 650 m2 qu’il habille. tel un pied-de-nez a ceux qui prétendent que le gris n’est pas une couleur…

Textes Tina Homs et Elodie Declerck / Photos Nicolas Shimp / Living Agency

Apaisant, élégant, en écrin idéal aux meubles et accessoires colorés, le gris et ses nuances ont longtemps été une toile de fond évidente pour de nombreux designers et architectes. Mais dans la maison bruxelloise d’Arnaud Masson, entrepreneur en bâtiment à la tête de la société Permis de Construire, ces teintes sombres spectaculairement apposées ainsi que la richesse de textures contrastées s’offrent une nouvelle dimension, totalement envoûtante.

UNE ANTRE FEUTRÉE
Dans le volume de la cage d’escalier structurelle, une cheminée a été intégrée (Metalfire). Murs recouverts de chaux, sol en Pastellone (mélange de poudre de chaux et de marbre) signés Odilon Creations. Fauteuil « Rar », design Charles & Ray Eames, Vitra ; canapés « Ghost », Gervasoni ; table basse, Marie’s Corner ; tapis, Côté Pierre ; tableau, Gideon Rubin.

Matériaux naturels, simplicité et sobriété composent les bases de cet intérieur atypique, découlant d’une envie d’absolu. « J’en avais assez du design moderne et des objets parfaits », raconte le propriétaire, passionné de décoration. « Mon objectif était de me débarrasser, de me délester des choses non-essentielles ; de retrouver plus d’authenticité, plus d’humilité. Je voulais explorer une nouvelle manière de révéler la beauté de l’imperfection. » C’est donc dans cette perspective qu’Arnaud a travaillé avec le cabinet d’architectes K2A, qu’il côtoie de longue date, pour concevoir un projet qui bannirait l’utilisation de matériaux synthétiques. « Nous avons opté pour l’argile, le bois, l’acier et le tadelakt, chacun apportant une couleur unique et reflétant les teintes de la terre : monochrome, minimaliste, sombre, simple et sans aucune prétention. J’adore l’énergie que toutes ces matières génèrent lorsqu’elles dialoguent entre elles et la sensation de bien-être qui en résulte. »

JARDINS SUSPENDUS
Le jardin à deux niveaux, issu de trois parcelles différentes, a été recomposé en conservant les grands arbres d’origine. Le toit-terrasse est semé de graminées et d’une sculpture. Fauteuils et table d’extérieur Maisons du Monde ; chaises Fermob ; plateaux à plantes en
Mortex® ; pochoir mural Ted Nomad.

Sur six étages et 650 m2 ouverts sur le jardin, valsent teintes sourdes et couleurs neutres.

Il aura pourtant fallu œuvrer dur pour en arriver là. Fruit d’une rénovation époustouflante, le projet combine deux maisons mitoyennes typiques du XIXe siècle en un seul et même volume, ouvert et contemporain, de 650 m2. Arnaud Masson, pour qui les réalisations d’exception n’ont aucun secret, a tenu à ce que la fusion des bâtiments respecte l’architecture traditionnelle. « Les habitations originelles étaient hautes et étroites. Nous avons utilisé tout l’espace possible pour faire naître une résidence de six étages avec quatre grandes chambres, deux bureaux et une pièce à vivre immense comprenant une cuisine, une salle à manger, un salon et un bar. » Inspirée de la philosophie japonaise du wabi-sabi, dérivée des principes zen, la scénographie épurée de cette villa contraste avec les prouesses techniques qu’elle a nécessitées, telles l’installation d’une vitre de sept mètres de haut, montée d’un seul tenant et qui fait entrer toute la lumière du jardin.

MATÉRIAUX NATURELS ET LIGNES PURES.
La baignoire ovoïde (Aquamass) a également été recouverte de tadelakt pour se fondre dans ce décor de terre et de sable. Tableau par Yz, street artist parmi les plus actives ; parquet en chêne massif, Nobel Flooring.

Dans la salle de bains aux généreux volumes, un seul mot d’ordre : le bien-être.

« Les maisons ont naturellement tendance à se dégrader avec le temps ; nous, nous voulions que cette demeure devienne de plus en plus belle », révèle Arnaud. Avec ses murs enduits d’argile teintée enrichie d’huile de lin, signée par la firme bruxelloise Odilon Creations, « elle insuffle une atmosphère très primitive ». Étages inférieurs et escaliers sont façonnés à partir de Pastellone, un produit naturel à base de chaux et de poudre de marbre, tandis que du tadelakt vient recouvrir les surfaces de travail dans la cuisine et le bar. Ce plâtre marocain est également utilisé dans la salle de bains, où il pare les lavabos et la généreuse baignoire autoportante. À l’étage, les sols sont en chêne massif fumé, comme toutes les menuiseries, dessinées par Arnaud et K2A et fabriquées sur mesure par l’entreprise belge Recob. « L’idée était d’utiliser une palette limitée de matériaux et de créer une énergie, une synergie, à partir de leur force ».

DES RÊVES GRAPHIQUES
Dans la chambre principale, donnant sur le toit végétalisé, le mur noir mat structure l’espace. Il est recouvert de panneaux en MDF façonnés sur mesure par Recob. L’entreprise de menuiserie belge signe également les chevets et la commode, dessinés par Arnaud Masson et K2A. Parquet en chêne massif, Nobel Flooring ; suspension Secto Design ; rideaux Casamance ; linge de lit en lin, Blanc Cerise.

Mêlant luxe douillet et authenticité, chaque pièce est une invitation à s’installer.

Également sur mesure, le mobilier est adapté aux volumes, contribuant ainsi à l’homogénéité des lieux. Dans la même lignée, rideaux et tissus d’ameublement marient avec goût les lins lisses et flammés (dont le tissage irrégulier donne du relief à la matière), toujours dans des tons neutres. Cette gamme chromatique est reprise sur le canapé et les chaises de salle à manger « Ghost », de Paola Navone pour Gervasoni. « Nous voulions rendre l’ensemble informel, élégant et décontracté », souligne Arnaud. Dans la chambre parentale, la tête de lit en lin gris s’enchâsse dans l’un des panneaux muraux asymétriques peints en noir. La chambre d’amis prend des allures de cocon grâce à la flanelle grise qui la tapisse entièrement ; une douceur en contraste avec les tables de chevet cubiques en béton et les suspensions en ciment. Du gris, toujours ! Jusque dans les chambres, l’art est omniprésent. « J’achète des œuvres à Paris et à Londres », dévoile Arnaud qui reconnaît une prédilection pour le street art : « imparfait et authentique, il s’inscrit totalement dans l’esprit de la maison ! »

BUREAU WABI-SABI
Entre street-art et matériaux bruts, tous les codes de la demeure se transposent dans le bureau d’Arnaud Masson. Table de travail, fabriquée sur mesure par Recob et recouverte de tadelakt par Odilon Creations. Étagères en chêne et acier brut, Recob ; parquet en chêne fumé, Nobel Flooring ; lampes noires suspendues, « Gras », DCW Editions.
SINGULARITÉ ASSUMÉE
Même dans la cuisine, le traitement de la crédence, des murs et du sol, avec leur texture fascinante et leur palette de tons peu ordinaires, participe à l’atmosphère chaleureuse quoiqu’un brin mystérieuse. Ultime fantaisie, les ustensiles et appareils électroménagers sont de la partie, s’affichant fièrement en noir. Tadelakt, plâtre d’argile et Pastellone, Odilon Creations ; menuiserie en chêne, dessinée par Arnaud Masson et K2A et fabriquée par Recob.
Article paru dans le numéro 155 de Résidences Décoration paru en décembre 2020 – janvier 2021.
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