Villa Carlotta, le lac pour miroir

Se reflétant dans le Lario, lago di Como, la Villa Carlotta pavoise en ses huit hectares de jardin, l’un des plus beaux d’Italie. Superbe, en toutes saisons, ébouriffant lorsqu’éclosent les rhododendrons et les roses. Aux alentours de mi-mai.

Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû

Rive orientale et rive occidentale, comme la Villa Carlotta à Tremezzina, les demeures aristocratiques du lac rivalisent de beauté, plus ou moins fanée, plus ou moins datée. Bâtie au xviie siècle par le marquis Clerici, Carlotta passa d’une riche famille à une autre jusqu’à ce que l’État italien la confisque pendant la Première Guerre mondiale. Un mal pour un bien puisque depuis 1927 la Fondation Carlotta veille sur ses trésors, les entretient avec un soin jaloux et autorise, de mars à décembre tout un chacun à visiter tant la maison que son jardin, ou plutôt ses jardins. Car, chacun de ses propriétaires n’eut de cesse, au cours des 350 ans de son existence, de planter, créer, au gré des modes, des univers végétaux qui dessinent désormais une mosaïque colorée, harmonieuse, juxtaposition de styles, d’essences, d’espèces.

Au cours des siècles et des différents propriétaires, les jardins, suivant les modes, se sont enrichis d’arbres exotiques et de parterres fleuris de style rocaille. © DR
La Villa et ses jardins s’abordent par le lac. Les haies de buis tels des panneaux de signalisation végétaux guident les visiteurs d’une partie à l’autre. © DR
À la mi-temps du jardin, halte à la Villa Carlotta qui conte l’histoire des lieux et de ses habitants successifs, à travers ses archives et ses riches collections. © DR
En plein été, pour le plus grand plaisir des enfants, les tortues se rassemblent pendant des heures, pour se rafraîchir, dans le bassin alimenté par de l’eau vive. © DR

Récompense suprême pour les plus hardis et courageux, qui n’hésitent pas à escalader l’escalier un peu raide jusqu’au point le plus élevé : le jardin italien maniéré. Ses premières esquisses datent de la fin du xviie siècle, avec ses statues, ses fontaines, et les cinq terrasses Renaissance. De petits étangs poissonniers égaient les parterres de fleurs géométriques, les haies de camélias longilignes narguent les papyrus échevelés se gorgeant d’eau et les rosiers dégringolent des murs pour rejoindre les citronniers et les orangers, mêlant la suavité de leur parfum à l’acidulé des agrumes. Se gaver de ses odeurs enivrantes à en perdre la tête. Puis redescendre lentement, jusqu’au jardin anglais. Pas question au xviiisiècle, dans un élan de romantisme et de liberté exacerbé, de ne pas succomber aux charmes faussement indisciplinés de ces fantaisies britanniques rythmées d’arbres venus d’ailleurs, de fleurs essaimées de-ci de-là, non contraintes sur des pelouses tirées au cordeau, et d’échappées aménagées astucieusement sur le lac.
Et puis plonger avec délice dans l’exotisme du jardin botanique, « savant », incontournable du xixe siècle quand les aristocrates de retour de terres lointaines recréaient dans leurs propriétés européennes ces paysages entrevus, façonnés par d’autres cieux, d’autres climats. Place aux cartouches avec mentions latines, mais place surtout aux rhododendrons, palette du blanc rosé au rouge grenat soutenu, place aux azalées, de la famille des rhododendrons justement. Un enchantement ! Tout incite à penser, sans certitude avérée, qu’avant 1914, avant la Grande Guerre, avant la confiscation, le duc Georges de Saxe-Meiningen, maître des lieux, grand voyageur, chargea son armée de jardiniers d’ordonnancer ces massifs, qui comme toutes les stars réservent leurs apparitions. Un petit mois seulement.

Un billet, deux visites 

Fanatiques de jardin, ne faites pas l’impasse sur la Villa. En dehors de son architecture intéressante, elle renferme une rare collection de tableaux, d’objets du xixe siècle et pour les passionnés d’histoire, des archives consultables.

Amoureux de l’hiver qui aimez le lac de Côme noyé de brume, et souhaitez visiter la Villa de décembre à mars, c’est possible, en vous adressant au secrétariat, segreteria@villacarlotta.it. Sachez cependant que la plupart des hôtels sur le lac sont fermés. Mais de Milan ou de Côme, sympa de se programmer, en dehors de la foule, une balade sur les rives et à… Carlotta.

villacarlotta.it/fr/visite

Article paru dans le numéro 181 de RD – Résidences Décoration.

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