Au hasard de ses rues anciennes pavées, la capitale des Hauts-de-France dévoile des trésors architecturaux, témoins de son histoire culturelle, économique et sociale. Tel l’hôtel particulier Le Berre Vevaud, demeure poétisée par Maison Sarah Lavoine.
Par Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Francis Amiand
Depuis la première esquisse jusqu’à la fin du chantier, il aura fallu deux ans pour revoir de fond en comble ce grand hôtel particulier de 600 m2, pudiquement caché derrière un porche, le dissimulant aux yeux des passants, au cœur du Vieux-Lille. Il demandait à être modernisé sur le plan technique – plomberie, chauffage, électricité et isolation – mais aussi en matière de décoration, tout en lui conservant son âme, en préservant ses boiseries d’origine et d’autres éléments signant l’architecture bourgeoise du XIXe siècle, décor de caractère pour accueillir le mobilier, les objets, chinés, traqués dans les galeries Nilufar, Kreo, Chastel-Maréchal, et bien sûr chez Maison Sarah Lavoine. Sa créatrice, cheville pensante et ouvrière à la fois, Sarah Poniatowski, choisie pour orchestrer cette métamorphose, a sélectionné des matériaux rares, de qualité, s’alliant avec ceux qui, durant plus d’un siècle, ont résisté, se sont patinés : marbre, essences de bois rares et massifs, céramiques artisanales, etc. « Une belle aventure humaine, une vraie rencontre avec cette famille unie, férue d’esthétique et de décoration, prête à accepter mes suggestions fortes, tant dans le choix des couleurs que dans celui des meubles », confie-t-elle.
Il lui fallait concevoir un lieu idéal pour une famille nombreuse, quatre enfants, trois garçons et une adolescente. Autant de personnalités, d’individualités à prendre en compte, en essayant de ne frustrer personne et en facilitant la vie quotidienne, les moments de partage. « Avec mon équipe et les différentes entreprises intervenantes, nous nous sommes d’abord imprégnés de l’atmosphère et du passé de cette demeure, pour ne pas gommer son histoire et mettre en valeur sa beauté classique époustouflante, tout en la chahutant avec élégance. Un exercice d’équilibriste facilité par un budget généreux et la conception parfaite par l’architecte d’origine, il y a plus de 100 ans. Puis nous avons privilégié les pièces à vivre, où la famille reçoit mais surtout où tous ses membres se retrouvent », poursuit Sarah Poniatowski. Le rez-de-chaussée témoigne de cette volonté avec son salon réchauffé par ses boiseries d’époque, sa cheminée en marbre, ses hautes fenêtres distribuant la lumière naturelle, mais aussi son mobilier actuel où le blanc du canapé Maison Sarah Lavoine se laisse conter fleurette par les fauteuils vieux rose Gio Ponti. Le salon communique en toute simplicité, touche très contemporaine, avec la salle à manger et sa grande table sur mesure, que prolonge la cuisine intelligemment aménagée par Bulthaup.
Une volée de marches pour gagner l’étage supérieur, et l’on tombe nez à nez avec une autre salle à manger, plus intimiste, plus « léchée », gainée de couleurs très Maison Sarah Lavoine, « Laurier » et « Thé de Chine », s’organisant autour d’une table ovale Charlotte Perriand rééditée par Cassina. Le second salon s’affranchit des codes, mélange les genres : les créations Maison Sarah Lavoine s’y acoquinent avec une enfilade en chêne de Guillerme et Chambron et les luminaires d’Eileen Gray, phénoménale designeuse irlandaise qui a marqué la première moitié du XXe siècle. « Je n’aime pas jouer sur un seul tableau, mais, au contraire, juxtaposer les styles, les créations de multiples designers, d’artistes. C’est ainsi que l’on personnalise une maison, qu’on la rend unique, que ses occupants y trouvent leurs marques. »
En poursuivant la montée, on débarque chez les enfants qui se partagent le deuxième étage, au cœur duquel trône un baby-foot en noir et blanc. Pas de différence, pas de jaloux, tel a été le mot d’ordre des parents pour concevoir les chambres des trois plus jeunes, des garçons. À chacun, cependant, son univers, imaginé en fonction de son caractère, de ses goûts, autour d’un lit-cabane et de papier peint. À l’un un côté forêt, campagne, dans les tons roux et orange avec un papier peint Texturae. À l’autre une chambre océane avec un décor Hermès et les murs en « Bleu Minuit » Maison Sarah Lavoine. Au troisième frère, prêt à l’aventure, un panoramique Texturae évoquant la jungle et les tropiques dans une ambiance bleu des mers du Sud.
On continue l’escalade jusqu’au troisième et dernier étage, sous les combles aux poutres préservées. C’est celui que se sont approprié les parents, avec la complicité et l’écoute de la designer décoratrice. Leur désir : jouir d’une grande suite parentale digne d’un boutique-hôtel. Mission accomplie en jouant sur deux teintes se répondant, Thé de Chine, coloris sombre, et Jasmin, gris tendre. Cette palette contrastée apporte de la douceur, jusqu’au mini-salon, où un canapé gris répond à une enfilade scandinave se mirant dans une grande glace ronde réalisée sur mesure. Ces espaces sont bien sûr dotés d’une salle de bains attenante : elle mixe vasques en bois exotique et sol style vénitien en terrazzo. Et la salle de bains rose, me direz-vous ? Elle est pour toutes et tous. Parfaite pour se relaxer, redonner des couleurs à la vie, le jour où le ciel transporte une cargaison de nuages lourds, n’attendant que la chute du baromètre pour s’abattre sur la ville.
Une fois le chantier terminé, le majestueux hôtel particulier a retrouvé sa fonction première : celle d’un cadre enchanteur, pour qu’une tribu bien d’aujourd’hui y inscrive son empreinte dans les pas de ses prédécesseurs. En attendant, dans quelques mois, l’ultime phase de travaux prévue, afin que les écuries et les communs abritent un spa, une piscine et une ravissante maison d’amis. Rendez-vous estival peut-être. À Lille, avec Sarah Poniatowski, pour plonger au sens propre comme au figuré au cœur de l’hôtel particulier Le Berre Vevaud magnifié.
Article paru dans le numéro 173 de Résidences Décoration.