Dix au compteur ! Avec dix macarons pour ses six restaurants en France et à l’international, qui font d’elle la cheffe la plus étoilée au monde, la Valentinoise garde la tête froide.
Texte Élodie Declerck
« Cette année, j’ai vécu un véritable moment de grâce », nous confie Anne-Sophie Pic, tout sourire. On aurait pu croire un instant qu’elle parlait de sa 10e étoile – décrochée grâce à sa table de l’hôtel Raffles, à Singapour –, un record absolu. Ou de ses collaborations, nombreuses et enthousiasmantes, avec des adresses toutes plus prestigieuses les unes que les autres : sa Dame de Pic – Le 1920 au Four Seasons Hotel de Megève et son nouveau concept gastronomique, « Le Pic de Midi », destiné aux skieurs, ou bien sa résidence hivernale au One&Only Le Saint Géran à l’île Maurice, particulièrement cher à son cœur puisque c’est là qu’elle a séjourné pour sa lune de miel, il y a près de 30 ans. Sans compter le lancement, en ce début février, de son « Quatre-Heures », parenthèse gourmande de Maison Pic, l’antre originel de Valence.
Mais non, la cheffe est bien plus poète que cela ! Ce moment de grâce, elle l’a vécu au Japon : « Un voyage initiatique sur les terres d’origine de cet ingrédient ancestral qu’est le riz. » Invitée par la maison de champagne Krug, dont elle est l’une des ambassadrices informel-les, Anne-Sophie y a découvert les différents acteurs, aspects, ainsi que la diversité de cette céréale. Fascination totale, jusqu’à en élaborer des recettes à déguster en pairing avec la Krug Grande Cuvée 170e édition.
Qui pourrait se douter que la cheffe, à la modestie désarmante et à la douceur ancrée dans la voix comme dans l’allure, a un palais redoutable pour les accords mets-vins. Passionnée de mixologie et bien accompagnée par sa chef sommelière Paz Levinson (l’une des meilleures du monde), Anne-Sophie Pic fait partie de ces chefs qui, lorsqu’ils s’intéressent à un sujet, veulent tout en connaître. Le fi rmament culinaire – auquel elle ne se destinait au départ ni par vocation ni par envie – ne lui a pas fait perdre pied, et encore moins ses valeurs viscérales : perfectionnisme, partage et curiosité… insatiable.
Ma cuisine, mon concept
« Partager ses recettes, c’est partager son histoire, ses inspirations et aussi son quotidien. À mes débuts, le terme de “cuisinière” me convenait davantage que celui de “cheffe”. Une cuisinière explore, tâtonne, ose des partis pris gustatifs et ne se laisse pas intimider par les goûts plus difficiles à apprivoiser. C’est pourquoi j’ai souvent placé les produits oubliés ou mal aimés au cœur de mes recettes : betterave, navet, chou… comme si les rendre désirables poussait mes propres limites. Cuisiner reste pour moi un acte d’amitié, de convivialité et de partage d’émotions nécessaire et essentiel dans nos vies. »
Comme un chef : Le maquereau en escabèche grillé, mayonnaise au thé matcha
Ingrédients pour 4 personnes
Pour les poireaux : 3 poireaux // 4 litres d’eau // gros sel // 20 g de jus citron // 60 g d’huile d’olive // 2 pincées de thé matcha // sel, poivre
Pour les maquereaux grillés : 2 maquereaux en filets // sel (1 % du poids des maquereaux) // 50 cl de vin blanc // 15 cl de vinaigre blanc // 2 étoiles de badiane
Pour la mayonnaise matcha : 10 cl d’huile de colza // 3 g de thé matcha // 1 jaune d’œuf // 20 g de moutarde de Dijon // 10 g de jus citron // sel
Pour le laquage : 35 g de sauce soja // 25 g de mirin // 5 g de miel // 15 g de jus de citron // 1 c. à soupe d’eau // 2 g de fécule
Pour les croûtons : 1 tranche de pain de mie de 1 cm d’épaisseur // 30 g de beurre clarifié
Pour les finitions : 5 feuilles d’oxalis // 5 feuilles de capucine // 5 amarantes pourpres
Préparez les poireaux. Épluchez et lavez les poireaux, coupez-les à la même hauteur, faites-les cuire dans une eau bouillante fortement salée et plongez-les immédiatement après dans l’eau glacée. Égouttez, puis huilez légèrement et faites-les griller au chalumeau ou sur le BBQ. Taillez-les en biseau, en tronçons de 5 cm de longueur. Préparez la vinaigrette en assemblant le jus de citron, l’huile d’olive et le matcha. Rectifiez l’assaisonnement et versez sur les poireaux. Réservez.
Préparez les maquereaux grillés. Débarrassez les filets de maquereau de leurs arêtes,
lavez, séchez, pesez et salez en conséquence. Coupez-les en deux dans le sens de la longueur. Réalisez l’escabèche avec le vin blanc, le vinaigre et la badiane chauffés à 80 °C. Versez-la sur les maquereaux et laissez mariner 30 min environ, puis égouttez les filets.
Préparez la mayonnaise. À l’aide d’un mixeur plongeant, mixez l’huile avec le thé matcha. Émulsionnez le jaune d’œuf avec la moutarde et le sel, puis montez petit à petit avec l’huile et le thé matcha, et incorporez enfin le jus de citron.
Préparez le laquage du maquereau. Mélangez la sauce soja, le mirin, le miel et le jus de citron. Faites réduire de moitié. Mélangez l’eau et la fécule, ajoutez le mélange à la réduction et donnez-lui une consistance sirupeuse. Réservez.
Dressez. Taillez le pain de mie en cubes. Faites colorer ces croûtons à la poêle dans le beurre clarifié. Faites chauffer les poireaux bien imbibés de vinaigrette. Grillez la peau des filets de maquereau au chalumeau et laquez avec un pinceau. Déposez joliment les biseaux de poireau et les filets de maquereau chauds dans les assiettes, puis les croûtons. Faites des points de mayonnaise matcha et vinaigrette. Décorez avec le mélange d’herbes.
Conseil de la cheffe : « Veillez à ce que le maquereau ne soit pas trop cuit car il deviendrait cotonneux. Il ne se conserve pas plus deux jours au frais après sa cuisson en escabèche. »
Le chemin de table d’Anne-Sophie Pic
Parce que « le timing est un aspect crucial. La cuisson parfaite se joue à quelques secondes », quel plus précieux garde-temps que sa montre fétiche, une Hublot « Big Bang One Click » aussi immaculée que sa cuisine ! En bonne place y trône d’ailleurs un cadran géant de la même maison d’horlogerie
En compatriote drômoise, la manufacture de céramique Jars a naturellement eu les faveurs d’Anne-Sophie pour son restaurant de Valence. Elle a même imaginé la pièce dont elle rêvait.« Grande buveuse de thé vert, en particulier de genmaicha, j’ai eu envie de créer ce bol à thé. »
Où qu’elle aille, son indispensable compagnon s’appelle Ulysse : un petit carnet à bouton-pression signé Hermès. « Je note toutes mes idées, mes inspirations au jour le jour… J’en ai un de couleur différente pour chacun de mes restaurants. Je ne m’en sépare jamais. »
« J’ai toujours aimé l’univers Baccarat. Depuis que j’ai eu l’immense chance de visiter la manufacture, je mesure encore mieux le travail opéré pour chaque verre. » Sur les tables de la cheffe, l’un des best-sellers de la cristallerie lorraine : le sculptural verre « Masséna », en forme de calice.
Article paru dans le numéro 168 de Résidences Décoration.