À quelles modes allons-nous succomber ? Nous avons posé la question à nos journalistes à l’affût de l’air du temps. Résultat, style cottage, bleu à tout-va, zelliges graphiques ou vague de fond écolo chic colorent et dessinent les mois à venir.
Texte Céline Amico, Bénédicte Le Guérinel, et Bulle Garenne
Passion vert anglais
Mélange de bleu de Prusse et de jaune de Chrome, cette teinte profonde incarne à la perfection l’élégance britannique, entre tradition et modernité. Connue outre-Manche sous le nom de « British Racing Green », elle habille depuis le début du xxe siècle les mythiques voitures de course : Bentley, Aston Martin ou Lotus. Raffiné, ce vert se réinvente en 2023 en s’invitant sur le mobilier, les luminaires, les tissus et les papiers peints. Le secret de son charme ? Une tonalité légèrement cendrée, oscillant subtilement entre nuances végétales et minérales… Un véritable caméléon de la décoration. Audacieux ou apaisant selon les couleurs auxquelles il est associé, il s’acclimate sans sourciller à un décor classique, vintage ou contemporain, ménageant des harmonies racées et ultra-visuelles dans nos intérieurs. Vert anglais, le nouveau noir ?
« Cette couleur fait merveille mariée à des teintes évocatrices de la nature, notamment la palette automnale (orange, moutarde, brun, pourpre, vieux rose…). Une combinaison parfaite pour installer une atmosphère à la fois chic et douillette à la maison. » Corinne Manoa-Graveleau, décoratrice et fondatrice de la marque de peinture Pure & Paint.
Cuisine : tendance nature
Nos maisons intègrent les préoccupations environnementales, et la cuisine n’y échappe pas. En 2023, elle est marquée par une volonté d’aller à l’essentiel. La douceur du vert sauge, du blanc crème ou du terracotta s’harmonise avec du mobilier en bois et des matériaux bruts tels le marbre ou le granit. Pour renforcer l’effet nature, on ajoute des accessoires en bambou (petites étagères, couverts à salade), fibre de palmier (déco murale, suspensions) et bois d’olivier ou de chêne (planches à découper et à servir). Mobilier recyclé, bac à compost, légumier, armoire à vrac et même mini-potager intérieur permettent de manger sainement tout en luttant contre le gaspillage alimentaire. À la façon des Danois, adeptes de l’ambiance hygge, on dispose çà et là quelques objets dans le ton, soigneusement sélectionnés pour leur valeur émotionnelle.
« Dans ce havre de paix qu’est l’habitat, on note actuellement une vraie envie de se reconnecter à la nature, qui se traduit par la présence de végétal, des thématiques minérales, du bois et des teintes terriennes. » Richard Perrin, chef de gamme Mobalpa.
Le zellige : matériau à supplément d’âme
Ces petits carreaux de terre cuite émaillée sont fabriqués au Maroc selon une technique séculaire et artisanale. Leur cuisson au bois fait apparaître une multitude de nuances et d’aspects selon la couleur et la composition de la terre, la durée de la cuisson, les combustibles utilisés et la position dans le four. Les bords des carreaux sont taillés en biseau afin de pouvoir les poser bord à bord, avec les joints les plus minces possible. Destinés au départ à la décoration des palais et mosquées, les zelliges ont investi nos maisons occidentales. La subtilité de la matière et la diversité des couleurs leur permettent de s’adapter à mille et une utilisations : après les pièces d’eau et les cuisines, ils passent même au salon et jouent à fond la carte du calepinage graphique et du motif bien rythmé.
« Le véritable zellige puise sa force des mains des artisans qui le façonnent. Sa sensorialité apporte à nos intérieurs des nuances uniques et changeantes pour créer des murs vivants. » Delphine Laporte, cofondatrice des Ateliers Zelij.
Mobilier : la courbe à la cote !
Vagues, ondulations, festons… cet hiver, une déferlante de rondeurs délicates s’invite aux quatre coins de nos intérieurs. Table basse aux contours pétales, étagère corniche, fauteuil rose pastel évoquant une montagne nimbée de soleil… à la croisée des tendances méditerranéenne et organique, incontournables ces dernières saisons, une nouvelle génération de meubles weavy fait souffler un vent de poésie. Puisant leur inspiration dans la nature, ces formes douces et enveloppantes ont l’art de métamorphoser les objets du quotidien en pièces singulières hyper-expressives, au potentiel visuel incontestable. Confectionnées dans des bois chauds ou parées de couleurs tendres, elles sont idéales pour illuminer les volumes, apporter du relief à une pièce en manque de style, transformer un espace à vivre en véritable cocon de sérénité… Un programme forcément séduisant !
« Dessinée pour la maison Pierre Frey, notre collection de mobilier « Tassara » est inspirée par notre récent voyage en Italie, ses reliefs, ses mosaïques, les multiples nuances de ses couchers de soleil. » Rachel et Nicholas Cope, designers du studio Calico Wallpaper.
Papier peint : les yeux dans le bleu
Le bleu frappe un grand coup dans les intérieurs. Apaisant, invitant à la liberté, il tapisse les murs de profondeur (quand il se fait sombre), mais aussi de fraîcheur et même d’évasion. Du bleu nuit au bleu ciel, il fait naturellement le tour du cadran et du globe. De quoi prendre le large ! Le papier peint est le support parfait pour le mettre en scène. Le camaïeu et le panoramique se prêtent particulièrement bien au jeu de cette teinte assumée pour des interprétations osées. Ce ton froid recherchera la chaleur du bois ou la brutalité de la pierre et s’accordera aux nuances terreuses, végétales, minérales. Un couteau suisse de la couleur finalement, qui rassure autant qu’il étonne.
« Un décor bleu, c’est un intemporel raffiné qui agrandit visuellement l’espace. Cette couleur permet des harmonies audacieuses. » Cécile Figuette, fondatrice de la marque Bien Fait.
Peintures : vive l’écoresponsabilité !
Prendre soin de soi, de ceux qui nous entourent et de la planète est une tendance qui ne cesse de s’ancrer. Les peintures sans composants allergènes ni COV (ou très peu), limitant les émanations de CO2, sont en phase avec l’écoconstruction ou l’écorénovation, et respectueuses de la santé et de l’environnement. Elles se caractérisent par des résines d’origine végétale ou minérale (argile, huile de lin, caséine, soja…), mélangées à de l’eau et à des charges minérales (craie, poudre de marbre…), et colorées avec des pigments minéraux extraits d’ocre, d’argile ou de terre. D’aussi bonne qualité que les peintures classiques, elles sèchent néanmoins plus lentement et se déclinent dans une palette de couleurs moins importante. Sachez que les peintures écologiques le sont rarement à 100 %, surtout si l’on recherche un séchage rapide et une bonne durée de vie. Le bon compromis ? Une composition naturelle à 95 ou 98 %.
« Les émanations de COV d’une peinture synthétique durent plusieurs années, avec une très forte concentration de polluants libérés les premiers jours, voire les premières semaines, ce qui a un impactsur la santé et l’environnement. » Cédric Laurent, fondateur de Colibri Peinture.
Salle de bains : un boudoir contemporain
Le secret pour offrir un maximum de panache au décor ? Associer de multiples courants décoratifs, galbes et effets de matières. Les éditeurs de salles de bains l’ont bien compris et, cette année, ils revisitent l’inspiration boudoir. Féminin et raffiné, le répertoire Art déco est toujours de la partie, mais s’encanaille d’influences industrielles. Emblématiques, la robinetterie précieuse, les plans en marbre, les miroirs arrondis ourlés de laiton s’harmonisent à des façades sans poignées à la silhouette rectiligne ou à des piètements de meubles d’inspiration Factory. Les teintes pastel, enfin, supplantent les couleurs sourdes et se parent de finitions mates, d’effets de reliefs travaillés… comme un clin d’œil aux étoffes haute couture. Un parfait équilibre entre candeur et modernité, pour une nouvelle version du romantisme dans nos pièces d’eau.
« Les détails incontournables pour adopter cette tendance ? Une palette de couleurs tendres (rose pâle, nude, amande…), des éléments métallisés en laiton sablé, mais aussi un éclairagedoré, rappelant la lumière des bougies. » Ferran Serra, designer chez Jacob Delafon.
Textile : les nouveaux tisseurs
Le tissage est l’un des arts les plus anciens qui soient, déjà pratiqué par les chasseurs-cueilleurs. Pilier de l’artisanat, il devient aujourd’hui artistique : des savoir-faire précieux n’hésitent pas à le rendre plus contemporain, qu’il soit brut ou poétique. Il se fait arty grâce à des trames désormais apparentes, complexes et sensibles, dont chaque fil, coloré ou pas, cache un geste maîtrisé. Le tissage raconte un rapport au temps différent, et tout un monde de transmission. Loin de se cantonner aux étoffes et au linge de maison, ces trames texturées habillent également le mobilier – assises en cuir tressé, par exemple – et les luminaires – abat-jour tendus de fils de laine. Privilégiant les fibres naturelles, le néo-tissage n’a pas fini de nous surprendre…
« Making is thinking ! C’est l’une des raisons principales de l’engouement pour le tissage contemporain. » Ariane Dalle, directrice artistique textile chez Élitis et CMO
Dossier paru dans le numéro 167 de Résidences Décoration.