Dans le quartier de Forest, où cohabitent espaces verts, maisons Art déco et zone industrielle, oPla Architecturea fait surgir, entre les murs sombres d’un ancien atelier de garagiste, une maison privée astucieusement caressée par la clarté naturelle.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Laurent Brandajs
Elle est designer textile, il est passionné de musique ; tous deux aiment les lieux et les quartiers atypiques. Ce couple très artiste, parents de trois enfants, cherchait à s’installer dans un quartier bruxellois qui bouge. C’est le cas de Forest : entre la place Albert et le Forest National, salle de concert, ça swingue, avec en prime la végétation du parc alentour, les belles maisons Art déco qui s’alignent non loin des usines, dont celle de Volkswagen, des ateliers d’artisans et des entrepôts. La famille a trouvé une demeure donnant sur la rue dans un secteur très urbanisé. Quelque temps après, elle a repéré derrière chez elle un grand bâtiment qui semblait abandonné, graffité, fermé, enclavé dans une zone pavillonnaire. La surface les a interpellés, ainsi que la proximité avec leur domicile. Quelques recherches, quelques démarches et le lieu, pour le coup très atypique, de 210 m2, est devenu leur. Leur intention ? Le transformer en annexe, indépendante de leur habitation principale, mais pouvant, outre des chambres supplémentaires, abriter un salon de musique pour monsieur, un studio de création pour madame, et des espaces tranquilles pour tous. Connaissant l’inclinaison du cabinet oPla Architecture pour la restauration des bâtiments les plus improbables, les nouveaux acquéreurs sont entrés en relation avec ses fondateurs. « Lorsque nous avons découvert cette grande bâtisse dotée d’une seule ouverture mais d’une vertigineuse hauteur sous plafond, raconte Pedro Monteiro de Sousa, l’un des trois associés, nous avons tout à la fois mesuré son potentiel et les contraintes : la plus grande étant de l’éclairer le plus possible, trois façades étant aveugles. Et d’imaginer que ce lieu brut avec, entre autres, sa fosse de vidange de garagiste, devienne un cocon chaleureux. »
Premières idées : s’appuyer sur les trois dénivelés existants pour créer trois étages ; conserver les poutres en béton d’origine, sorte de lien entre le passé et le présent ; bien isoler la façade principale des façades mitoyennes ; et surtout, puiser un maximum de lumière naturelle pour la redistribuer avec générosité dans toute la partie ne bénéficiant d’aucune ouverture.
Très vite, ils dessinent les différents étages, trois donc, une passerelle aérienne et élégante reliant les niveaux ; ils créent un patio extérieur, source de lumière et – seule vraie modification des structures existantes – ajoutent sur la toiture un cube pour disposer d’une chambre supplémentaire, qui a séduit l’un des adolescents par son côté garçonnière, à l’écart.
Ce qui est essentiel pour oPla Architecture a été respecté : maîtrise de l’énergie, récupération de tous les matériaux possibles et utilisation prioritaire du bois et du béton – associés à des tuiles plates lissées, ces derniers ont été utilisés pour isoler les façades et leur donner une unité et un côté esthétique. « Nous travaillons main dans la main avec Bruxelles Propreté, organisme de la région Bruxelles-Capitale, qui veille à ce que la ville soit à la fois saine et écoresponsable. »
Les propriétaires, adhérant totalement à la démarche d’oPla, se sont pris au jeu et ont eux-mêmes décidé de chiner de nombreux éléments, non seulement du mobilier mais aussi des objets utilitaires, comme des lavabos. Au fur et à mesure de leurs trouvailles, les architectes ont adapté leurs plans. Une collaboration enrichissante, même si elle a parfois quelque peu ralenti le chantier.
Petit à petit, le hangar délaissé s’est transformé en demeure contemporaine tout en s’insérant, sans façons et sans prétention, dans l’environnement. Et le charmant patio arboré que la propriétaire enrichit régulièrement de plantes apporte sa note poétique, répondant à sa façon aux grands arbres du parc.
« Comme quoi la spontanéité, l’un des traits dominants du travail d’oPla, le respect de l’environnement et des envies des commanditaires, l’inscription dans une économie circulaire nourrissent plus que jamais la démarche architecturale. »
PEDRO MONTEIRO DE SOUSA
Diplômé de la faculté d’architecture La Cambre Horta (Bruxelles), après avoir travaillé dans différentes agences, Pedro fonde, en 2011, avec Ana de Moura Martins et Fabien Dautrebande, le bureau oPla Architecture. « Nous n’affichons pas de spécialité, même si nous faisons beaucoup de rénovations, Bruxelles disposant de peu de terrains vierges constructibles. Nous aimons tous les types d’architecture, participons à des concours publics, répondons à des appels d’offres. À notre actif, nous avons aussi bien une maison construite en paille et terre à Braine-l’Alleud, dans le Brabant wallon, que des bureaux design à Bruxelles et une ligne de mobilier. »
Reportage paru dans le numéro 166 de Résidences Décoration.