Quand cette école wallonne édifiée en 1906 a fermé ses portes, son imposante cour ont séduit une grande famille, qui, avec la complicité de l’atelier d’architecture MW, a entièrement revu sa copie.
Texte Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Photos Laurent Brandjas
C’était une jolie petite école paroissiale, au cœur de Tournai, où fusaient pendant des années les cris des enfants, la cloche rythmant le début et la fin des cours, les leçons des instits s’échappant, l’été, par les fenêtres ouvertes, les conversations des parents animant les heures de sortie. Et puis elle a fermé. Une association pour les jeunes l’a occupée un temps avant de la déserter.
Peu à peu, les mauvaises herbes ont joué les importunes dans la cour de récré et colonisé la statue de la Vierge déposée dans un coin. Les murs de briques rouges soulignés de jaune des bâtiments imbriqués les uns dans les autres semblaient rongés de l’intérieur. Vides ! Les sols, en terre pour la plupart, ajoutaient à la tristesse de l’ensemble.
Il fallait du culot et de l’imagination pour envisager de transformer ce lieu délabré en maison de famille. « Loin d’être rebuté par l’importance du chantier, notre client, un papa de deux enfants très déterminé, aux idées bien arrêtées, surfaces extérieures et intérieures, et a compris que les grandes façades une fois “liftées”, pouvaient devenir pimpantes, élégantes et esthétiques, mais aussi que les six salles de classe – trois au rez-de-chaussée, trois à l’étage – offraient de belles opportunités », précise Matthieu Meunier, cofondateur de l’atelier MW.
Vivement intéressé par ce projet de réhabilitation d’un lieu très symbolique de la ville et les possibilités de le restructurer, il dessine des plans avec son équipe, suggère d’ajouter aux deux niveaux habitables existants un troisième en aménageant les combles et la toiture. Puis, esthétiquement, tout en laissant la façade principale intacte avec ses inscriptions, de « badigeonner » en blanc la totalité des murs, même ceux en briques, afin d’écrire
une nouvelle histoire, comme sur une page vierge.
« Nous sommes avant tout architectes spécialisés dans le bâti, nous nous associons donc souvent à des prestataires, choisis en fonction des contraintes du chantier et des demandes spécifiques des commanditaires », poursuit-il. Pour celui-ci, il a dès le début contacté Philippe Loncke, à la tête de l’entreprise créée en 1865 par ses ancêtres. Ébéniste talentueux, créateur, passionné d’art, d’architecture contemporaine et de nouvelles technologies, il contourne les difficultés, trouve des solutions appropriées, dessine du mobilier sur mesure, des cloisons, adore dégotter et utiliser des matériaux inédits.
Un magicien qui a particulièrement œuvré dans la cuisine, la salle de bains et les combles pour doter l’ensemble d’une personnalité affirmée. En accord avec les propriétaires, très investis et très décisionnaires, Matthieu Meunier a également fait appel au Studio Spiridon, qui porte toujours le nom de la famille qui l’a fondé il y a 35 ans à Tournai.
« Nous sommes la deuxième génération Spiridon, explique Audrey, épouse de Fayez Spiridon. Outre notre showroom-magasin, spécialisé dans le design, les meubles et objets d’éditeurs, nous conseillons désormais aussi bien les architectes que les particuliers. Nous allons sur place, s’ils le souhaitent, pour mieux choisir le mobilier, les accessoires qui vont donner du caractère à chaque pièce. J’aime à dire que nous sommes une fabrique à rêves. Et cette ancienne école a été un merveilleux terrain de jeu avec ses superficies incroyables. » C’est ainsi que peu à peu, l’établissement délaissé a endossé avec brio son nouveau rôle de maison de famille. La cour de récréation a été transformée en jardin-terrasse, merveilleux aux beaux jours. Les propriétaires y organisent déjeuners, dîners, apéritifs avec pour toile de fond l’exquise et lumineuse blancheur des murs : « Nous avons agrandi les fenêtres, ajouté des éléments en bois, repeint, abattu quelques cloisons. »
Ainsi, les salles de classe ont trouvé une nouvelle fonction, investies au quotidien par des enfants et des parents, heureux de vivre entre ces murs qui désormais ne sentent plus cette odeur de craie, d’encre et de cire mêlées, si caractéristique des écoles de la première moitié du XXe siècle.
Matthieu Meunier
En 2000, Matthieu Meunier ouvre avec Jean-François Westrade l’atelier d’architecture MW, à Tournai. Diplômés de l’Institut supérieur d’architecture Saint-Luc de Tournai, les deux complices étudient ensemble chaque projet, qu’ils confient ensuite à un binôme choisi parmi la vingtaine de leurs collaborateurs. Que les réalisations soient privées, collectives ou publiques – actuellement MW finalise, par exemple, un cirque en dur et une salle d’exposition municipale –, toutes privilégient les principes d’une architecture durable, faisant la part belle aux matériaux écoresponsables, et s’appuient sur un réseau de partenaires.
Article paru dans le numéro 166 de Résidences Décoration.