Dans ce superbe duplex de Lo Barnechea, banlieue chic accrochée aux contreforts de Santiago, peintures, sculptures et œuvres cinétiques invitent à un parcours éclectique digne d’une galerie contemporaine avec vue sur la Cordillère des Andes.
Texte Cécile Olivéro / Photos Cristóbal Valdes
Paula Gutiérrez est formelle : « C’est la personnalité de mon client qui dicte le schéma du projet. Ici il s’agit d’une citoyenne du monde qui partage son temps entre l’Europe, l’Amérique du Nord et du Sud. Nous nous connaissons depuis plus de vingt ans et je termine actuellement la décoration de son appartement à Miami. Une relation de confiance s’est installée entre nous. Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce lieu, ici à Santiago, j’ai proposé de repenser l’organisation des espaces et d’étoffer sa collection privée. J’ai sélectionné chaque œuvre en fonction de l’endroit qui allait l’accueillir. L’ensemble se devait de rester cohérent. »
L’architecte d’intérieur écrit ainsi une histoire qui retranscrit les exigences culturelles et artistiques de sa cliente, mère de quatre enfants, en même temps qu’elle apporte une réelle légèreté au design intérieur, histoire de mettre en lumière les vues spectaculaires dont jouit l’appartement.
Le hall et le couloir du rez-de-chaussée, qui distribuent les différentes pièces, donnent le ton : au sol, un somptueux tapis persan antique, au mur, deux grandes œuvres signées de l’artiste chilien Andres Vio, et au plafond, une suspension du designer Hervé van der Straeten. La cage d’ascenseur participe elle aussi à la mise en scène : peinte en noir, elle installe un subtil jeu d’ombres et de lumières avec les structures lumineuses de Javier Toro Blum.
Parce que la gestion des perspectives est, pour elle, essentielle et garantit l’esthétisme d’une réalisation, Laura Gutiérrez privilégie la communication visuelle entre les différentes pièces. « Le bureau et la salle à manger s’inscrivent dans la continuité du salon, et le tout s’ouvre largement sur la terrasse. » Poussant l’impression d’infini à son paroxysme, elle a accroché, au-dessus du canapé en velours vert Missoni, une photographie de la banque de Naples prise par Massimo Listri. Irrésistiblement attiré par cette image, le regard s’y perd et cherche à percer son mystère. Les tapis marocains, en bambou et cuir, sont un clin d’œil aux goûts cosmopolites de la propriétaire.
« Le remodelage du salon a marqué le point final de ce projet. Il se définit par une double vocation : c’est un lieu de passage mais aussi un espace où l’on peut se poser. Il nous a donc semblé essentiel d’opter pour une palette de couleurs neutres, et pour du mobilier qui donne une sensation de légèreté, à la limite de l’apesanteur. Le tout semble flotter, et c’est exactement le résultat que nous souhaitions obtenir. » Le choix d’assises aux courbes sensuelles – fauteuils et canapé « D.154.2 » de Gio Ponti pour Molteni – et deux tables basses à l’ovale parfait se déclinent dans des teintes tendres.
Pénétrer dans le salon incite à franchir la frontière quasiment invisible qui le sépare de la terrasse. Imaginée et conçue comme un jardin suspendu, elle donne sur la cordillère des Andes, plus haute chaîne de montagnes d’Amérique latine. Le studio de Paula Gutiérrez a travaillé en collaboration avec Macarena Calvo, de l’agence Calvo & Elgueta. Toutes deux ont opté pour une création privilégiant des végétaux verts douze mois par an et peu gourmands en eau. L’option des plantes et arbustes en pots s’est, dès lors, imposée comme une solution idéale et écoresponsable.
Véritable pièce à vivre, bien ombragée aux heures les plus chaudes de la journée, la terrasse mixe avec bonheur lignes droites et rondes. Kettal, l’emblématique marque espagnole de mobilier outdoor respectueuse de l’environnement, y règne en maîtresse absolue. Côté salon, les fauteuils « Basket » de Nanna et Jørgen Ditzel, délicieusement fifties, et les tables d’appoint de la collection « Roll » viennent adoucir les lignes strictes du canapé « Mesh », de la collection signée Patricia Urquiola, et de la table basse « Bitta » de Rodolfo Dordoni. Un bel équilibre entre rectitude et rondeur qui donne à l’ensemble toute sa cohérence.
Reportage paru dans le numéro 165 de Résidences Décoration.