L’architecte en chef des Monuments historiques et fondateur
de l’agence Chatillon Architectes défend une vision très contemporaine du patrimoine, davantage porteuse de sens que de valeurs identitaires revendiquées haut et fort par certains.
Propos recueillis par Anne-Marie Cattelain-Le Dû / Crédits photographies : © Antoine Mercusot / Cyrille Weiner / Valerio Geraci / ©P.Tourneboeuf/RMNGP/Tendance Floue
Votre « signature archi » ?
La modernité, dans la continuité des lieux existants, avec comme question centrale : « Qu’est-ce qu’on fait du patrimoine ? » Tout casser, réparer, entretenir ? Nous ne pastichons jamais. Nous nous inscrivons dans une démarche contemporaine, en relation étroite avec des spécialistes, ingénieurs, décorateurs, etc. Chacun de nos chantiers s’apparente à une enquête policière afin de connaître précisément le passé, évaluer l’état, les perspectives, l’impact sur l’environnement du lieu. Dans l’agence, je travaille avec des trentenaires passionnés et passionnants, dont une majorité de femmes qui, comme moi, se projettent dans l’avenir et non dans le passé.
Des chantiers en cours ?
Nous sommes cinquante à l’agence et nous menons de nombreux projets conjointement. Notre chantier le plus important est celui du Grand Palais, à Paris, qui mobilise une dizaine d’architectes et 600 ouvriers sur le site. Nous « nettoyons » aussi l’obélisque de la Concorde pour en ausculter le granit. C’est émouvant de déchiffrer les hiéroglyphes de si près. Nous refaisons également les plombs des lanternons du château de Chambord et œuvrons sur le dôme de l’Arc de triomphe. Nous venons d’achever la restauration, à Reims, de la résidence Eisenhower, ex-hôtel Mignot, construite entre 1911 et 1913. Cette demeure est dorénavant lieu d’accueil de prestige pour les maisons de champagne Piper-Heidsieck, Charles Heidsieck et Rare Champagne.
Votre plus beau projet ?
Impossible de répondre à cette question. Tout nous passionne, tout nous interpelle : restaurer la grande nef des années 1960 de l’île Saint-Denis dans le cadre des Jeux olympiques, comme les souks et les maisons en pierre de corail d’Al Wajh, en Arabie saoudite.
Un rêve un peu fou ?
Je suis l’architecte le plus gâté de la Terre, tout m’est arrivé par hasard. Mon rêve intime – car j’ai hésité à devenir musicien – serait de composer, de jouer du jazz dans un big band.
La plus belle architecture ?
L’architecture vivante, celle qui raconte l’histoire des hommes, de ceux qui l’ont imaginée puis construite et habitée.
Un objet fétiche ?
Les objets ne m’intéressent pas, les outils, oui. Toutefois, si je devais partir sur une île déserte, c’est mon saxophone que j’emporterais.
Repères
1986
Création de l’agence
Chatillon Architectes à Ferney-Voltaire (Ain). Elle s’établira
à Paris en 2010.
2004
François Chatillon devient architecte en chef des Monuments historiques (ACMH).
2015
Le 8e arrondissement de Paris est confié à l’agence (Arc de triomphe, obélisque de la Concorde, hôtel Salomon de Rothschild…).
2019
François Chatillon est nommé architecte en chef du Domaine national de Chambord.
2021
Chatillon Architectes livre le nouveau musée Carnavalet, les Bains municipaux de Strasbourg restaurés et la résidence Eisenhower à Reims.
Article paru dans le numéro 163 de Résidences Décoration.
